Déclaration à la presse. Special Rapporteur upon conclusion of visit to the Republic of Congo, 2010 (FR)

By | 12 November, 2010

Déclaration à la presse

Au terme de sa visite en République du Congo, le Rapporteur spécial de l’Organisation des Nations Unies sur les droits des peoples autochtones, M. James Anaya, déclare ce qui suit :

BRAZZAVILLE (12 novembre 2010):

« Je félicite le Gouvernement de la République du Congo pour les mesures significatives qu’il met en place pour la reconnaissance et la protection des peuples autochtones marginalisés du Congo. Des défis de taille demeurent cependant en ce qui concerne la mise en œuvre et le suivi de ces initiatives afin qu’elles puissent apporter de véritables améliorations aux conditions de vie de ces peuples. »

« Lors de ma mission de 11 jours au Congo, j’ai visité des communautés autochtones dans les départements de la Likouala et de la Lékoumou, et me suis entretenu avec de nombreux dignitaires du Gouvernement, des agences du Système des Nations Unies et des organisations de la société civile à Brazzaville. Je souhaiterais tout particulièrement exprimer mes remerciements au Ministère de la Justice et des Droits de l’homme et à l’équipe des Nations Unies au Congo pour l’appui et l’assistance indispensables fournis lors de la planification et de la coordination de ma visite.

« On m’a fait part des différentes initiatives et politiques mises en place par le Gouvernement pour faire progresser les droits des peuples autochtones. Plus précisément, je salue la mise en place d’un projet de loi sur les peuples autochtones, et suis heureux d’apprendre de la part de mes interlocuteurs au Gouvernement et au Parlement, qu’il sera très probablement adopté avant la fin de l’année, lors de la présente session parlementaire. J’exhorte le Gouvernement et le Parlement congolais à s’assurer de la promulgation de cette loi sans aucun amendement qui affaiblirait ses dispositions, et à adopter les décrets d’application correspondants le plus rapidement possible.

« Cette loi qui sera la première du genre en Afrique, constitue un exemple important de bonne pratique dans la région pour la reconnaissance et la protection des droits des peuples autochtones. En assurant la promotion de cette loi et en acceptant un Plan d’Action National visant à améliorer la situation défavorisée des peuples autochtones en position non-dominante, le Gouvernement du Congo s’engage à agir, de façon générale, en accord avec les normes internationales dans ce domaine.

« Dans ce contexte, j’encourage le Gouvernement à garder à l’esprit les dispositions de la Déclaration sur les Droits des Peuples Autochtones des Nations Unies, adoptée en 2007 par l’Assemblée Générale des Nations Unies avec le soutien d’une très large majorité des Etats du monde, dont la République du Congo. J’exhorte également le Congo à ratifier la Convention No. 169 sur les Peuples Autochtones et Tribaux dans les Pays Indépendants de l’Organisation Internationale du Travail, qui compléterait la loi sur les peuples autochtones et fournirait un cadre juridique complet permettant de faire avancer les droits des peuples autochtones au Congo. Je suis heureux d’avoir reçu de la part du Gouvernement les indications de sa volonté de prendre les mesures nécessaires à la ratification de cette Convention.

« Le projet de loi soumis au Parlement présente un fort potentiel en termes de garanties des droits des peuples autochtones du Congo. Néanmoins, au vu de la situation extrêmement défavorisée dans laquelle se trouvent les peuples autochtones du Congo, sa pleine mise en œuvre requerra un effort majeur et concerté de la part de nombreux ministères et agences gouvernementales.

« J’ai constaté de mes propres yeux que les peuples autochtones au Congo tels que les Baaka, Mbendjele, Mikaya, Luma, Gyeli, Twa et Babongo, auparavant collectivement dénommés « Pygmées », vivent dans des conditions de marginalisation extrême. Beaucoup d’entre eux vivent dans des campements situés à la périphérie des villages et ne disposent pas de logement adéquat ou d’accès aux services sociaux de base comme la santé ou l’éducation. Ils sont victimes de comportements discriminatoires profondément enracinés qui se traduisent en arrangements sociaux inéquitables. Parmi ces derniers on relève, dans de nombreux cas, des rapports de travail assimilables à des formes de servage ou de servitude involontaire.

« Bien que le sous-développement et la pauvreté chronique soient présents partout dans le pays, particulièrement dans les zones rurales, j’ai observé des situations économiques et sociales nettement plus mauvaises chez les peuples autochtones ne faisant pas partie de la majorité ethnique bantoue du pays.

« C’est pourquoi j’en appelle au Gouvernement pour qu’il s’assure non seulement de l’adoption du projet de loi sur les peuples autochtones, mais également de son application pleine et entière. A cette fin, il faudra développer des mécanismes pratiques garantissant la mise en place de politiques et de programmes dans tous les domaines pour une mise en œuvre des droits prévus par la loi. Le Gouvernement devrait s’efforcer d’assurer une prise de conscience plus profonde des droits des peuples autochtones dans les agences, programmes et politiques gouvernementales. Cela permettrait d’aborder de manière holistique le désavantage des autochtones partout dans le pays. Une telle approche devrait être en accord avec les objectifs de la Déclaration sur les Droits des Peuples Autochtones des Nations Unies, et assurer non seulement le bien-être social et économique, mais aussi l’intégrité et la culture des communautés autochtones, et leur autodétermination. La Commission Nationale des Droits de l’homme et le Comité interministériel de coordination proposé devraient jouer un rôle clé à cet égard.

« De plus, un effort concerté de sensibilisation aux droits des peuples autochtones devrait être entrepris auprès de l’ensemble de la population congolaise afin de changer les attitudes discriminatoires enracinées et d’encourager la compréhension et le respect entre tous les citoyens congolais.

« En dernier lieu, les agences des Nations Unies et autres institutions internationales œuvrant au Congo comme la Banque Mondiale, ainsi que les Gouvernements d’autres Etats en mesure d’apporter une assistance financière et technique, devraient redoubler d’efforts pour coopérer avec le Gouvernement du Congo afin de faire avancer les droits des peuples autochtones en pleine conformité avec les normes internationales. »

Le Professeur S. James Anaya fut nommé Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 26 mars 2008. Le Professeur Anaya est titulaire de la Chaire Regents et de la Chaire James J. Lenoir et enseigne les politiques et droits de l’homme à l’Université d’Arizona (Etats-Unis).